Rencontre avec Aude QUERE, qui s’est reconvertie dans la reliure il y a quelques années pour fonder son atelier de reliure, Ça relie à Paris. Aude connaît bien ICI Montreuil, car elle s’y est installée à son ouverture. Retour sur son parcours…
Quel est ton parcours ?
J’ai travaillé pendant 10 ans dans le secteur du tourisme d’affaire, j’organisais des congrès pour les médecins. Mais je me suis rendue compte que ça ne me plaisait pas.
Je voulais travailler avec mes mains, avec une certaine technicité et de la réflexion, pour donner naissance à de beaux objets.
Dans un premier temps j’ai pensé à la restauration de tableaux, car ce qui me fascine c’est «la transformation du laid ou abîmé en beau ou “neuf”». J’avais trouvé une école de restauration de tableau mais le diplôme était en 5 ans et la sélection était très drastique, donc je n’ai pas essayé. Je me suis, alors, penchée sur la restauration de livres anciens. Mais avant de restaurer un livre, il faut savoir comment on le fabrique. J’ai donc pris des cours de reliure puis j’ai décidé de passer mon CAP reliure-dorure. Après une première demande de fongecif refusé, la seconde a été validée. J’avais déjà quelques notions donc je suis passée directement en 2ème année. J’ai passé mon CAP via le GRETA et je l’ai obtenu. C’est le diplôme dont je suis le plus fière.
Pendant quelques temps j’ai repris mon travail de chef de projet dans le secteur du tourisme d’affaire car je n’étais pas prête pour créer ma société tout de suite. Puis j’ai démissionné et demandé un 2eme fongecif avec le statut de salarié en CDD. Officiellement le but de ce Fongecif était l’obtention du BMA, en fait ce que je voulais vraiment c’était pratiquer – avec un CAP reliure tu ne sais pas faire grand-chose, avouons-le -, et je n’ai pas été déçue. J’étais à plein temps dans un atelier de reliure : ils me formaient sur de nouvelles techniques et je travaillais également pour eux. J’ai vraiment appris le métier : travailler vite et bien, répondre aux demandes du client.
Après cette année de formation, je pouvais faire valoir mes droits au chômage ce qui m’a permis de chercher un atelier de reliure. Je voulais racheter l’atelier d’une personne partant à la retraite. Mais je n’en ai pas trouvé.
L’âme en peine, j’ai donc repris des CDD dans le secteur du tourisme d’affaire pour me remettre financièrement mais avec toujours cette idée de quitter ce secteur et de faire de la reliure.
En 2010 J’ai, enfin, créé ma structure et choisis d’installer mon atelier à Paris dans le 18eme, avec un loyer à 750€ par mois, « c’était dur». Dans mon Business Plan, le coût du loyer était compensé par les cours de reliure que je donnais. Malheureusement je n’ai pas eu autant d’élèves que prévu. Au bout de 3 ans, lorsque mon bail pouvait être dénoncé, je devais prendre une décision : trouver un nouveau lieu moins cher, ou mettre la clé sous la porte. Par l’intermédiaire d’une céramiste et d’une bijoutière j’ai entendu parler de l’ouverture d’ICI Montreuil. Je suis allée à une des premières réunions d’information, l’étage du haut était à peine terminé. Le loyer était vraiment peu cher à l’époque, j’ai donc annoncé mon arrivée en juin 2013. Je me suis installée en bas, dans la pièce qui est maintenant dédiée aux Boys et qui s’appelait, à l’époque, Le Grand Studio Photo. En bas, la seule pièce vraiment terminée était l’atelier textile – actuellement l’atelier métal. Au début l’environnement de travail était “brut” mais l’ambiance était conviviale avec de nombreux nouveaux venus. Je n’avais pas vraiment d’éclairage adéquat mais heureusement, les aménagements se sont faits progressivement.
Comment se sont passées les premières années ?
La 1ère année à ICI Montreuil j’avais moins de charge et plus de clients, ce qui a posé problème l’année suivante avec le RSI/Urssaf. Aujourd’hui j’ai trois “pôles” d’activité : les cours de reliure, les commandes de particuliers et professionnels et la restauration de livres anciens. J’ai aussi un travail salarié à temps partiel qui me permet de payer mon loyer personnel. J’ai trouvé un certain équilibre. Quand j’arrive à l’atelier l’après-midi c’est un vrai bonheur ! Il y a beaucoup de contraintes à être son propre patron, mais cela m’offre tellement de libertés. J’organise ma journée comme je l’entends et je me mets dans ma bulle.
Et aujourd’hui ?
Quand j’ai commencé la reliure j’étais à fond, c’était un challenge tous les jours. Aujourd’hui, je connais suffisamment le métier, alors mon nouveau challenge c’est me perfectionner dans la restauration de livres anciens : Je prends des cours de restauration de livre une fois par mois. La restauration c’est magique, tu n’as jamais deux fois la même problématique, ça demande beaucoup de réflexions, c’est très stimulant intellectuellement. C’est aussi un métier beaucoup plus neuf que la reliure. Tu peux vite avoir des automatismes en reliure. Je commence à avoir pas mal de demandes de restauration.
Comment se porte le monde de la reliure aujourd’hui ?
Dans les années 50, beaucoup d’ateliers ont fermé.
Maintenant la reliure se féminise de plus en plus. En fait il y a trois types d’atelier : industriel, semi-industriel où les gens font de l’abattage sur de gros trains de livres. Les bibliothèques font appel à ces ateliers. Dans ces ateliers, c’est vraiment un métier d’ouvrier, et les femmes se retrouvent généralement à la couture.
J’ai travaillé dans un de ces atelier. Un jour le directeur m’a fait appeler. Pour toute l’équipe c’était la panique : Etre convoqué par le patron !! Ouah !!.
Le troisième type d’atelier est artisanal, en général les gens travaillent seuls. Aujourd’hui ce sont souvent des gens en reconversion, qui veulent apporter une dimension artistique à la reliure.
Pourquoi es-tu ICI ?
Au-delà du loyer attractif, l’ambiance est vraiment agréable à ICI, avant d’arriver j’avais travaillé 3 ans toute seule dans mon atelier, ici je rencontre des gens d’univers bien différents. J’ai rencontré une maroquinière, Frédérique, qui m’a fait connaitre son métier. On s’est aperçu qu’on utilisait parfois les mêmes outils mais avec un vocabulaire différent. Je n’ai jamais vraiment profité du côté collaboratif de ce lieu car je fais un métier vraiment différent des autres artisans présents à ICI. Malheureusement aucun ébéniste/menuisier n’a eu un client qui lui a dit “Faites-moi ma bibliothèque et trouvez-moi un relieur pour la remplir de beaux livres reliés », mais il ne faut pas désespérer !
Si je faisais de la création j’utiliserais plus le lieu. Je n’ai pas encore fait la formation découpe laser car je n’en ai pas l’utilité au quotidien mais je pense que je pourrais faire des choses intéressantes pour réaliser des livres à décor.
Pour contacter Aude QUERE, rendez-vous sur son site internet Ça relie à Paris ou par mail : ca-relie-a-paris@hotmail.fr
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